vendredi 5 septembre 2014

Dejima : porte du Japon sur le monde à l’époque d’Edo (1600-1868)


Par Romaric Roynette

Introduction

Dejima, « l’île extérieur », est une île artificielle située à Nagasaki, construite par ordre du Shogun Tokugawa en 1636 pour le logement des étrangers autorisés à faire du commerce entre le Japon et le reste du monde.
L’île est un comptoir commercial, c'est-à-dire un port doté d’installations portuaires, d’entrepôts et servant de résidence à une communauté étrangère de commençants et d’administrateurs.
L’île est au départ habitée par les portugais mais après leur expulsion du Japon, elle accueille une petite population de néerlandais. Ils sont les seuls européens autorisés à résider au Japon après la fermeture volontaire  du pays au reste du monde en 1641 (Sakoku).
Enfermés à Dejima, ayant interdiction de circuler librement dans le pays, les néerlandais sont cependant restés pendant 218 ans sur cette étroite bande de terre d’environ 1 hectare. Les contraintes de la vie quotidienne étaient largement compensées par des profits importants.  Ils jouissaient en effet de l’exclusivité sur le commerce internationale, les japonais eux-mêmes n’ayant pas le droit de commercer avec l’étranger. Ces derniers, malgré le Sakoku, purent grâce à Dejima, se procurer certains produits qu’ils n’avaient pas mais aussi garder un contact avec le monde et obtenir des informations de toutes natures.


I/ Quand les portugais arrivent-ils au Japon et quand s’installent ils à Dejima ?

L’âge de la liberté pour les portugais au Japon (fin de l’époque Muromachi 1336-1573)

Rappel de la chronologie de l’installation des portugais
1543 : arrivée des portugais à Tanegashima (il y avait là des réfugiés de Kyoto après la défaite des Taira en 1185, on y parle encore avec l’accent de Kyoto !) Premières armes à feu au Japon.
1549 : arrivée de F. Xavier Kagoshima
Au départ les commerçants portugais étaient basés à Hirado mais ils cherchèrent un meilleur port. Ils négocient avec Sumitada, un Daimyô de Kyushu.
1570 : Sumitada, converti au catholicisme, accepte de faire un accord avec les portugais. Un port est construit ainsi qu’une petite ville dans son territoire , baptisée « nangasaki »
1580 : le pouvoir sur Nagasaki est donné aux Jésuites portugais. Les Eglises se multiplient et le commerce prospère. La ville s’enrichit sous l’autorité des portugais. Ces derniers obtiennent le monopole sur le commerce de la soie avec la Chine et Macau.

 Avant le Sakoku : intense activité commerciale dans la région de Nagasaki : portugais mais aussi néerlandais, anglais (1613 : les anglais installent aussi un comptoir commercial à Hirado),  chinois, japonais sillonnent le monde.

Le conflit entre les portugais et les autorités japonaises (fin de l’époque Azuchi Momoyama 1573-1600 et début de l’époque d’Edo)
Ce conflit est en fait plus religieux que commercial. Le gouvernement se méfie du succès du christianisme qui menace son autorité sur la population et contribue à renforcer l’influence des portugais. Hideyoshi, l’homme fort du Japon à cette époque, connait les ambitions coloniales des portugais. Il est conscient de ce qui s’est passé en Amérique.

1587 : Toyotomi Hideyoshi essaye d’arrêter l’expansion du christianisme. Il bannit les missionnaires et place Nagasaki sous son autorité directe. Il déporte des chrétiens de Kyoto et d’Osaka à Nagasaki et les fait exécuter à Nishizaka. C’est le martyre des 26 saints de la colline de Nishizaka.

1612 :  Ieyasu Tokugawa interdit officiellement le christianisme. En 1614, toutes les Eglises de Nagasaki sont détruites.
1622 : 55 missionnaires et croyants sont exécutés à Nishizaka. A partir de 1627, de nombreux chrétiens sont tués dans les sources chaudes d’Unzen (près de Nagasaki)

En fait, de nombreux chrétiens japonais sont renforcés dans leur foi chrétienne malgré cette politique. Ils se cachent partout au Japon. Les missionnaires étrangers continuent à infiltrer clandestinement le Japon en grand nombre. Les mesures de répression se renforcent alors.

Les étapes de la fermeture du Japon
En 1635, les japonais ont interdiction de voyager à l’étranger sous peine de mort.

En 1636: Iemitsu exige la construction de l’île artificiel de Dejima pour le logement des portugais afin de les isoler et de limiter leur influence sur la population. Le financement est assuré par 25 marchands japonais qui tirent un bénéfice du commerce avec les portugais.

1637 : les chrétiens japonais de Shimabara se révoltent contre le gouvernement pour protester contre les persécutions. Le Shogun réagit par une répression sévère et fait massacrer les opposants.
Après la répression, les portugais de Dejima sont encore davantage surveillés.

1639 : les tensions avec les portugais s’aggravant, il est décidé d’expulser tous les portugais. Les portugais quittent Dejima. Le commerce s’effondre à Nagasaki.

En 1641, le Japon est complètement fermé aux étrangers, sauf aux néerlandais.
Outre la volonté de se protéger de la colonisation, il y a des raisons internes aussi : le gouvernement souhaite contrôler le commerce pour éviter la fuite des ressources du pays (argent) mais aussi  limiter l’enrichissement de certains Daimyos qui, en s’appuyer sur les étrangers pourraient rejeter l’autorité des Tokugawa.

II/ Pourquoi et quand les néerlandais ont-ils remplacés les portugais à Dejima ?

Malgré l’expulsion des portugais et le Sakoku, les néerlandais sont  les seuls européens autorisés  à séjourner au Japon. Contrairement aux portugais, ils ne cherchent pas  à répandre le christianisme (ils sont protestants). Surtout, les néerlandais n’agissent pas au nom direct de leur Etat mais sont les employés d’une compagnie, la VOC (Vereenigde Oost-Indische Compagnie) qui organise le commerce. Ils ne sont pas soupçonnés de préparer la colonisation du pays.

Le début de la présence hollandaise au Japon
1600 : (6 mois après Sekigahara), les premiers néerlandais arrivent au Japon a Bungo (Oita)
William Adams devient conseiller de Ieyasu Tokugawa pour les affaires étrangères.

1609 : les Tokugawa donne une autorisation aux hollandais pour installer un comptoir commercial à Hirado. Cependant ils le quittent dans les années 1620. A partir de Taiwan, ils se battent contre des bateaux japonais et sont faits prisonniers. Ils reviennent à Hirado seulement dans les années 1630.

En 1637, ils sont fidèles au Shogun et l’aide à vaincre la rébellion de Shimabara, en bombardant le château de Hara depuis la mer. Ils sont donc bien considérés par les autorités japonaises.

En 1639, quand les portugais sont expulsés, les hollandais reçoivent l’exclusivité du commerce extérieur du Japon. (à cette date, même les japonais n’ont plus le droit de faire du commerce avec l’étranger).


Le transfert du comptoir commercial néerlandais  à Dejima
1637 : construction d’entrepôts en pierre à Hirado. Les dates sont même sculptées sur les pierres des bâtiments. Colère du Shogun : il s’agit du calendrier chrétien.
Demande destruction des bâtiments. Le Shogun exige ensuite des hollandais qu’ils déménagent à Dejima en 1641, dans une zone confinée, plus étroite et plus facilement contrôlable.
En fait, c’était peut être un prétexte pour priver le clan d’Hirado des revenus du commerce fait par les Néerlandais.

Les hollandais déménagent à Dejima et y remplacent les portugais (expulsés en 1639). Dejima reste un des seuls port ouvert au commerce international. Autres exceptions : Tsushima (commerce avec Corée). Satsuma (commerce avec les Ryû Kyû)

François Caron : le premier directeur de la VOC à Dejima.
Le Opperhoofden (directeur de la VOC à Dejima) qui était en poste au moment du déménagement en 1641 était François Caron. C’est un personnage très intéressant.
F. Caron est né à Bruxelles, à l’époque rattaché aux Pays Bas. Caron était issu d’une famille française convertie au protestantisme et réfugiée aux Pays Bas pour des raisons religieuses (rappeler les guerres de religion, les exils volontaires / forcés, l’Edit de Nantes…). Francophone et à l’aise dans la culture française et néerlandaise, c’est sans doute le premier « français » (même s’il était de nationalité néerlandaise) installé au Japon. [En 1615, il y avait eu la visite d’un japonais en France : Hasekura Tsunenaga]

Caron arrive au Japon dès 1619. Il apprend le japonais et voyage à Edo comme interprète pour la mission de la VOC. Il devient ensuite directeur de la VOC à Dejima. Il s’est marié avec une japonaise et a eu 6 enfants. Par la suite, il quitte le Japon et travaille  à Batavia (Près de Djakarta), qui est le comptoir le plus important de la VOC. Il travaille par la suite dans d’autres régions d’Asie. En 1664, il est recruté par le gouvernement français pour diriger la compagnie des Indes occidentales, une compagnie commerciale formée sur le même modèle de la VOC, qui s’occupe du commerce entre la France et les Antilles.

Qu’est ce que la VOC (compagnie néerlandaise des Indes orientales) ?

Extrait de l’article  de Wikipédia :
La Compagnie néerlandaise des Indes orientales (connue en néerlandais sous le nom de : Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou VOC, littéralement « Compagnie unie des Indes Orientales ») est une compagnie de commerce créée par les Provinces-Unies(le nord des Pays Bas)  en 1602. Elle est pendant près de deux siècles l’un des piliers de la puissance du capitalisme et de l’impérialisme néerlandais. Dissoute en 1799, la compagnie est connue pour avoir été l’une des entreprises capitalistes les plus puissantes qui ait jamais existé.

Elle a inspiré plusieurs grandes caractéristiques des entreprises modernes : le modèle de la société anonyme émettant des actions et obligations ainsi que le modèle de la multinationale implantée dans des pays à l’autre bout du monde.
Elle est la plus influente des compagnies européennes fondées au XVIIe siècle pour exploiter les richesses d’Asie.
Sur le plan politique, les conquêtes de la compagnie permettent aux Provinces-Unies puis aux Pays-Bas de disposer d’un empire colonial significatif en Asie jusque dans la seconde moitié du XXe siècle.

Grâce à sa puissance, la compagnie constitue un véritable État dans l’État. De fait, elle dispose dans les comptoirs hollandais des Indes orientales des principales fonctions régaliennes (police, défense, justice).

C’est la compagnie qui nomme les directeur de la VOC à Dejima et les conseils assurant la justice civile et pénale.

C’est elle aussi qui assure la défense de ses possessions terrestres et la protection de ses routes commerciales.

Dans cette optique, elle décide de la guerre et de la paix avec les princes autochtones, disposant à cet égard d’une diplomatie autonome.

De même, la compagnie dispose d’une flotte de guerre qui combat les puissances européennes adverses (Angleterre, Portugal et France) et les souverains locaux. Cette armada finit d’ailleurs par être soutenue par une armée de terre privée qui compte jusqu’à douze mille hommes12.

À la fin du XVIIe siècle, la compagnie entretenait déjà de 100 à 160 navires selon les estimations, ce qui signifierait qu’elle dispose au moins de 8 000 marins8, auxquels s’ajoutent des garnisons de soldats composées de nationalités diverses.

Si on ajoute les employés de la compagnie qui se dédient à l’organisation de son commerce, à la production de ses marchandises, on arrive à des estimations beaucoup moins précises, mais qui donnent une idée de l’importance de la compagnie. Les sources de l’époque parlent de 80 000 personnes (en 1735) voire de 150 000 employés (en 1788)14.
Sur le plan commercial, l’idée est d’organiser le commerce entre les pays d’Asie, pas seulement entre l’Europe et l’Asie.
Un directeur de la VOC explique en 1619 :  « Les textiles de Gujerat doivent être échangés contre du poivre et de l’or sur les côtes de Sumatra ; le poivre de Banten contre des couronnes et des textiles… Les biens chinois et l’or contre du bois de Santal, du poivre et des couronnes. On peut trouver au Japon l’argent pour obtenir les biens chinois ; les textiles des côtes de Coromandel pour les échanger contre des épices, d’autres marchandises et des pièces de huit; des pièces de huit depuis l’Arabie contre des épices et d’autres petits produits, nous assurant que chaque achat compense l’autre, et que tout ceci est réalisé par nos navires sans argent néerlandais16,15. »
La compagnie pratique en Asie un commerce régionale qui lui fournit les produits nécessaires à l’achat des denrées destinées à être vendues à l’Europe. Elle n’exporte donc pratiquement aucune marchandise européenne.
La faillite de la VOC et l’évolution du statut des néerlandais à Dejima
1795 : faillite de la compagnie. Les activités commerciales se poursuivent sous la gestion directe de l’Etat néerlandais
1795 : fondation de la République batave sous l’influence de la France. Mais le personnel de Dejima refuse de suivre et maintien son indépendance par rapport au gouvernement de la République Batave,  influencé par la France.
En 1810 : Napoléon annexe les Pays Bas. Les néerlandais de Dejima continuent de refuser toute soumission à un gouvernement étranger et  parviennent à rester indépendants. Au même moment, l’Indonésie est attaquées par les anglais. Dejima reste donc l’unique bastion  néerlandais vraiment indépendant au monde.
Quand les Pays Bas redeviennent libres en 1815, Dejima retourne sous l’autorité de son gouvernement officiel.

Comment l’île est-elle construite ? Quelles sont les personnes qui y vivent et comment s’y déroule la vie quotidienne ?

La Construction de l’île et des bâtiments
La construction est financée par 25 marchands japonais de Nagasaki sur ordre du Shogun. En 1634, ils achètent des terres près de la plage. L’île est fabriquée avec des grosses pierres d’Augite empilées dans l’eau.
Les dimensions sont les suivantes :
Aire : 15395m2
Circonférence : 564m
Côté sud : 233m
Côté nord : 190m
Mur est : 70m
Mur ouest : 70m
La Cie verse 1 loyer aux 25 familles japonaises qui sont propriétaires du terrain. Elle acquitte aussi tous les frais de gestion et de surveillance de l’île.

Les bâtiments ont été reconstruits plusieurs fois au cours du temps, souvent à cause d’incendies. Le plan de Dejima a donc varié plusieurs fois. Il y avait des bâtiments pour le personnel néerlandais, japonais et aussi des entrepôts pour les marchandises.

Un petit pont de bois reliait l’île au quartier d’Edo machi, sur la terre ferme. Il est remplacé en 1678 par un pont de pierre. Un panneau avertissait qu’il était interdit de franchir le pont.
Les néerlandais ne devaient pas franchir le pont sauf exception et seuls les japonais travaillant avec les hollandais pouvaient venir sur l’île. Les femmes étaient interdites, sauf les prostitués.

Une fois pas an, les européens étaient autorisés à assister aux festivités au sanctuaire de Suwa, sous escorte.
Parfois des médecins hollandais qui habitaient à Dejima étaient appelés pour soigner des patients japonais de haut-rang, avec la permission des autorités.


Le personnel néerlandais
- Le « Opperhoofden » est le directeur de la VOC sur Dejima.
Il exerce un mandat de 1 an normalement mais en fait, il reste  souvent plus. Il avait un assistant

- Sous ses ordres, il y avait : le personnel de cuisine, le personnel de manutention chargé des entrepôts, les médecins, des artisans (charpentiers, forgerons), des architectes et des ingénieurs.

- Chaque automne les navires néerlandais partaient pour Batavia. En attendant leur retour, le personnel de l’île était occupé. Il s’occupait des stocks de marchandises des entrepôts, préparaient le retour des bateaux, faisaient la visite annelle à Edo et préparaient les fêtes du nouvel an. A cette occasion en effet, des festins étaient préparées avec de bœuf de Java, du porc et du poulet des fermes de Nagasaki. Des personnalités japonaises de haut rang étaient invités à cette occasion.

Le voyage à Edo
Le directeur de la VOC à Dejima était traité comme le représentant d’un Etat tributaire et à ce titre, il devait faire une visite annuel au Shogun à Edo. Une délégation hollandaise voyage ainsi à Edo chaque année, dès leur installation à Hirado en 1609. A partir de 1790 le voyage a lieu une fois tous les 4 ans. En 1850, cette pratique est abolie.

Le séjour durait quelques en général 2 ou 3 semaines.
La longueur du voyage permettait de rompre la monotonie de la vie à Dejima. Cependant, ce la coûtait très cher à la VOC. Il fallait apporter des cadeaux scientifiques comme : astrolabes, paire de lunette, télescope, globe, instruments médicaux, livres scientifiques, animaux exotiques.
An échange, la délégation recevait des cadeaux de la part du Shogun.

La délégation néerlandaise (le directeur de la VOC à Dejima, son secrétaire et un médecin) devait attendre à la « Nagasaki ya », la résidence à Edo des officiels de Nagasaki jusqu’à ce qu’elle soit  convoquée à la court. Après l’audience officielle, mais seulement à l’époque de l’excentrique Tokugawa Tsunayoshi,  les néerlandais devaient effectuer des dances et des chants de leur pays pour le plaisir du Shogun. Ils pouvaient aussi visiter la ville, sous escorte.

Pendant leur séjour, les hollandais participaient à des rencontres avec des japonais lettrés afin d’échanger leur savoir. Au 18°s, au moment du développement de l’intérêt pour les sciences occidentales, les savants japonais attendaient avec impatience l’arrivée de la délégation.

Il existe un témoignage assez précis du séjour à Edo des néerlandais de Dejima en 1822. Voici le planning de leur voyage :
6 Février : départ de Dejima
27 mars : arrivée à Edo et séjour à la Nagasaki ya dans l’attente de l’audience avec le Shogun. Les néerlandais sont surveillés et n’ont pas le droit de sortir. Ils reçoivent la visite de plusieurs japonais ayant reçu une autorisation spéciale.
6 avril : audience avec le Shogun au château d’Edo. Les néerlandais doivent attendre dans le grand hall. Le Shogun apparait brièvement. Les néerlandais doivent seulement décliner leur identité, et prononcent donc seulement quelques mots, c’est tout.
6-21 avril : nombreuses visites rendues aux ministres et personnalités officielles d’Edo. Les néerlandais notent qu’ils sont espionnés parfois par des hommes qui se cachent derrière des Shôjis !
 Nombreuses rencontres aussi avec des scientifiques. Toutefois, les néerlandais confessent que n’étant pas savants mais commerçants, ils ne savent pas toujours quoi répondre. En fonction des questions, ils cherchent des réponses dans des livres qu’ils ont apporté. Ils disent aussi qu’ils offrent de la nourriture et de l’alcool à leurs interlocuteurs pour les empêcher de poser trop de questions !


Le personnel japonais
Les japonais de Dejima. P 17
Le personnel japonais est très nombreux sur l’île

- L’otona : c’est le fonctionnaire qui a le plus haut rang. Il est nommé par les autorités de Nagasaki. Il supervise et contrôle les activités commerciales. Ils décident qui peut entrer et sortir de l’île.

Parmi ceux qui travaillent à Dejima on trouve :
- Les commerçants qui traitent avec les néerlandais
- Des pompiers, des cuisiniers, des jardiniers, des ouvriers et hommes d’entretien
- Des gardiens. Ils doivent surveiller que seules les personnes autorisées pénètrent sur l’île et doivent empêcher les néerlandais de sortir. Ils ont aussi la responsabilité d’éviter les vols de marchandises qui pourraient alimenter la contrebande. Ils peuvent fouiller les poches et les manches des personnes qui sortent de l’île.

- Des interprètes et traducteurs. Ce sont eux qui ont les relations les plus étroites avec les néerlandais. Il existe une hiérarchie selon l’âge et l’expérience. Il y a ainsi 4 interprètes chevronnés accompagnés de quelques interprètes plus jeunes et de stagiaires.
Ils sont chargés de traduire en japonais tous les documents commerciaux des néerlandais. Ils les accompagnent aussi pendant leur voyage annuel à Edo.

- Un groupe de 17 coursiers, chargés  d’acheter des marchandises à Nagasaki pour les néerlandais. Ils assurent le ravitaillement en nourriture et en biens de consommation. On les appelle les « comprador pack ». Ils sont toujours disponibles et indispensables car les néerlandais ne peuvent pas sortir.

Parallèlement, ces coursiers sont aussi employés à remplir des bouteilles de Saké japonais et de sauce soja destinées à l’exportation. On a retrouvé beaucoup de fragments de ces bouteilles lors de fouilles archéologiques.

Les apports des Néerlandais au Japon
Au cours du temps, le mode de vie des Néerlandais influence le Japon. Quelques exemples :
Photographie
Badminton
Billard
Bière
Café
Piano
Chou et tomate
Cacao et Chocolat
La peinture
Animaux exotiques : tigres, éléphants, porc épiques, autruches, chameaux…


Comment se déroulent les activités commerciales à Dejima ?

Les premiers bateaux néerlandais arrivent en 1642.
Le Nassau : De Batavia via Siam
Le Pauw : de Batavia via Taiwan
Meerman : du Tonkin

Tous les navires arrivant à Dejima sont inspectés. Les armes, les livres religieux, les  voiles sont confisquées jusqu’à ce que le navire soit autorisé à repartir par le gouvernement.

On a des témoignages qui permettent de comprendre le déroulement des activités commerciales après l’arrivée de ces bateaux :
- Les marchandises sont stockées jusqu’à ce que tous les bateaux prévus soient arrivés et les prix négociés.
Par exemple, les transactions sur la soie sont gérées par un groupe de marchands de 5 cités : Kyoto, sakai, Nagasaki, Edo et Osaka connu sous le nom de « itowappu Nakama ». Ce groupe achetait la soie ensemble, en un seul lot et se le répartissait ensuite.

- En septembre 1642, les négociations commencent entre le directeur de la VOC à Dejima et 8 marchands.
La soie est vendue puis les autres marchandises sont mises aux enchères, le 5 septembre, dans le centre de l’ile. Bois de sappan, peaux de cerfs, laques, cornes de buffles, poivre, de la viande sont exposés. Les marchands viennent un par an regarder les marchandises avant la vente le lendemain.

Les profits sont supérieurs à 50% : le  commerce avec le Japon est très profitable pour les néerlandais.

Les produits importés au Japon apportent de nouveaux modes de vie et habitudes
Le sucre utilisé notamment dans les Castella
Les objets en verre
Les peaux de Gibier
Les médicaments
Les teintures (issues du bois de Sappan par exemple).

Evolution du commerce
Pic du commerce : période du Genroku (1688-1703). Le Japon exporte des métaux : or, argent, cuivre. Il importe : soie, sucre, médicaments, épices etc.
En 1689 : 75 %  des transactions sont dues au cuivre.
6 ou 7 bateaux par an en moyenne.

En 1715 : le Shogun inquiet de la fuite des ressources naturelles du pays, impose des restrictions commerciales : il n y aura plus que 2 navires commerciaux par an qui pourront quitter le Japon. Le commerce internationale décline.

Cependant, le Shogun veut encourager le développement d’autres exportations : camphre, céramique, laques, sauce soja, paravents par exemple. Cela fonctionne : les céramiques japonaises se vendent bien, notamment en Europe.

Au total, entre 1641 et 1847, 606 bateaux accosteront à Dejima


Comment se fait la transmission de la science et du savoir occidental au Japon grâce à Dejima ?

Les médecins de Dejima.

Environ 150 médecins néerlandais ont été tour à tour embauchés sur Dejima entre 1641 et 1859. Leur rôle officiel  était de soigner le personnel néerlandais. En fait, beaucoup d’entre eux ont aussi soigné les japonais et donné des conférences sur la médecine et ses techniques modernes.
Les médecins de Dejima sont donc aussi des professeurs qui initient les étudiants en médecine japonais à la science médicale occidentale.
AU début du 17°s, le médecin Kaspar Schamberger est ainsi connu dans les cercles de médecine au Japon mais à cette époque les japonais privilégient encore la médecine chinoise.

Cependant 3 grands médecins par la suite ont laissé leur nom dans l’histoire : Kaempfer, Thunberg et Siebold. Ils n’étaient pas néerlandais au départ, mais leur curiosité pour le Japon, totalement mystérieux à l’époque, les a poussé à adopter la nationalité néerlandaise pour se faire embaucher sur Dejima.
Ils soignent, donnent de nombreuses conférences mais aussi étudient le Japon de très près : l’histoire, la société, les coutumes, la nature…Ils sont auteurs de livres bien documentés sur le Japon de l’époque.

Kaempfer : il arrive à Dejima en 1690 et reste 2 ans. Il accompagne 2 fois la délégation néerlandaise à Edo. Il forme 2 japonais, au départ des interprètes de Dejima, à la médecine occidentale : Narabayashi et Motoki. Narabayashi écrit plus tard un ouvrage qui devient très célère au Japon : ‘les origines de la chirurgie européenne ». Il ouvre aussi une école de chirurgie.  Motoki lui, écrit un traité d’anatomie, basée sur des sources occidentales.
Kaempfer rentre en Europe et rédige un ouvrage : « le journal du Japon », particulièrement détaillé, qui renseigne les européens sur ce pays.

Thunberg : il arrivé à Dejima en 1775 et reste seulement un an. Cependant, il collecte 800 plantes japonaises qu’il étudie, transporte en Europe. Il écrit un livre « les plantes du Japon » .
Pendant son séjour à Dejima, il  forme plusieurs médecins japonais à la médecine occidentale comme Kogyu, Nakagawa et Katsuragawa, célèbres par la suite pour avoir traduit du néerlandais le « nouveau livre d’anatomie ».

Siebold : il arrive en 1823. Il s’éprend littéralement du Japon. Il fonde une école de médecine à Narutaki, dans les alentours de Nagasaki. Ses étudiants deviennent l’élite médicale du Japon.
Siebold se marie avec une japonaise. Il écrit plusieurs livres sur le Japon dans lesquels ils abordent l’histoire, la géographie, la religion, les traditions, la faune et la flore.
Cependant il est forcé de quitter le Japon car on découvre qu’il a essayé de faire sortir du Japon 2 produits interdits : une carte du pays et un vêtement marqué d’un signe que seul les Tokugawa pouvaient porter.


Les savants japonais et les études hollandaises
Au début de l’époque d’Edo, les interprètes vivant à Dejima avait l’interdiction de traduire et mêle d’étudier les livres des européens. Ils devaient se confiner à leur rôle de traducteur pour faciliter le commerce.

Le Shogun Yoshimune Tokugawa (pouvoir de 1716-1745) lève l’interdiction sur les travaux académiques et scientifiques européens, à condition qu’ils ne comportent pas d’allusions au christianisme.
Les savants japonais, pouvaient faire des séjours à Dejima, mais dans ce cas, il devait se soumettre à des contrôles administratifs renforcés.

Nagasaki devient un point de rendez vous, particulièrement les médecins japonais ayant soif d’apprendre des occidentaux. Parmi les grands noms de ces « maitres des études hollandaises », on trouve :
- Kogyu (1724-1800), un élève de thunberg, médecin renommé qui ouvre un école à Nagasaki.
- Shiduki Tadao (1760-1806) : il introduit les théories de Newton sur la physique et l’astronomie
- Motoki (1735-1794). Il introduit l’idée au Japon que la terre est un astre qui se déplace dans l’espace. Il traduit de nombreux livres d’astronomie et de géographie. Son fils Shoei Motoki participe à l’écriture du premier dictionnaire Japonais Anglais en 1814. Il étudia aussi le français et travailla aussi au premier dictionnaire Japonais Français.

Les brèves lettres néerlandaises
Quand un navire néerlandais arrivaient à Dejima, le capitaine devait fournir un récit de son voyage et évoquer l’actualité politique en Europe et en Asie.
Ces lettres étaient traduites en japonais et envoyer au Shogun. AU départ le Shogun cherchait surtout à se tenir informer de la politique des espagnoles et des portugais dans l’optique de mieux se défendre contre leurs éventuelles intrusions. Cependant par la suite, dans le contexte du sakoku,  ces lettres devinrent l’unique source fiable d’information sur la situation du monde pour les autorités japonaises.
Ces lettres étaient considérées comme des documents confidentiels que seuls le shogun et ses proches pouvaient lire.
Par exemple en 1840, une de ces lettres informent le Bafuku que les anglais s’apprêtent à déclarer la guerre à la Chine pour la forcer à autoriser le commerce de l’opium. Plus tard, le Shogun est informé que Perry va venir pour demander l’ouverture commerciale du Japon aux étrangers.
Bien qu’au courant à l’avance, le Shogun n’a pas pu prévoir et préparer une réponse appropriée.

Comment se termine le rôle commercial de Dejima ?

Le 19° siècle est le siècle des pressions exercées par les étrangers pour obliger le Japon à s’ouvrir au commerce international au-delà du rôle exercé par Dejima.

Contexte : 19°s : pression coloniale de l’Europe sur l’Asie. « politique de la canonnière ».
Scénario classique : arrivée de navires militaires, démonstration de force, signature de contrats commerciaux à l’avantage des européens, droit de fonder une colonie portuaire (un comptoir) avec des installations commerciales, des privilèges d’extra territorialité. L’idée des européens est de s’enrichir grâce au commerce, et non de créer de grandes colonies de peuplement.

C’est le cas en Chine, en Asie du sud est, en Corée, et au Japon, même si ce pays a su préserver son indépendance de façon plus forte que la Chine par exemple.
Au Japon : en 1846, le commandant Biddle débarque à Uraga et tente de faire pression pour obliger le Japon à ouvrir son commerce avec les étrangers. Le Japon refuse.
Le dernier directeur de la VOC à Dejima de Dejima, Donker Curtius, essaye aussi d’obtenir une libéralisation du commerce et plus d’avantages commerciaux, sans succès.
Mais les américains reviennent et prennent l’avantage. 

La fin de Dejima
En 1853, face à l’arrivée du commandant Perry, le Japon ne peut plus s’opposer à l’ouverture. En 1854 Perry signe un traité diplomatique et en 1858 les 2 pays signent un agrément commercial. AU départ, les traités sont considérés comme « inégaux », privilégiant largement les américains. Par la suite d’autres pays, Russie, Angleterre, France et les Pays Bas (en 1855), arrachent des traités similaires. Toutes les restrictions de circulations sur Dejima sont abolies.

Après Perry, le gouvernement japonais souhaite accélérer le développement d’une marine de guerre japonaise afin de préparer le Japon à se défendre et à résister contre l’accroissement des pressions exercées par les étrangers. Une coopération est lancée tout d’abor avec les Pays Bas : le centre d’entraînement naval de Nagasaki est établi en 1855par le Shogun  à l’entrée de Dejima pour permettre une meilleure interaction avec la flotte néerlandaise. Ce centre d’entrainement possède le premier navire à vapeur du Japon, le Kankôu, offert  par le gouvernement néerlandais.

Avec l’ouverture du ports de Nagasaki (dans son intégralité), de Kanagawa et d’Hakodate, Dejima perd son statut d’unique « fenêtre ouverte » . En 1859 le comptoir commercial de Dejima est abandonnée après 218 ans d’existence.
L’île est ensuite intégrée au reste de la ville où la communauté étrangère se développe.  A Nagasaki, le commerce international se développe désormais à l’échelle de toute la ville.


Précision sur la Hollande, les  Pays Bas (Nederland) et les différentes appellations existantes :

Hollande = une des provinces des Pays Bas. En français, il faut dire Pays Bas et non Hollande.

Extrait de Wikipédia
Les Pays-Bas espagnols désignent le territoire des Dix-sept Provinces entre 1556 et 1714, période pendant laquelle elles sont possédées par la monarchie espagnole. Ils correspondraient aujourd'hui approximativement à une grande partie du Nord-Pas-de-Calais, à la Belgique (à l'exception de la Principauté de Liège), au Luxembourg et aux Pays-Bas actuels. La période « espagnole » des Pays-Bas est marquée par la guerre de soulèvement menée contre le roi d'Espagne : la Guerre de Quatre-vingts ans. Le conflit aboutit à la scission en 1581 des 17 provinces en deux états : les sept provinces du nord obtiennent leur indépendance et se regroupent au sein des Provinces-Unies qui deviendront les Pays-Bas actuels ; les dix provinces du sud restent sous contrôle espagnol et deviendront la Belgique actuelle.

Sources

Dejima, livre édité par le musée de Dejima à Nagasaki, 2012
Reischauer, histoire du Japon, 1973
Nombreux articles de Wikipédia (Dejima, sakoku, Voc etc.)

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