Japon d’avril : la fin du parcours du combattant pour les jeunes diplômés. |
La licence en poche, à l’issue de sa 4° année
universitaire, Kumi a laissé dans l’armoire son long manteau blanc à
frous-frous, ses faux cils recourbés, sa démarche suriashi faite de petits pas
qui lui donnait l’air d’une poupée, pour porter sans état d’âme un tailleur
sombre et formel. « Il était temps de devenir une adulte », confie-t-elle
en évoquant ses années d’université avec, déjà, un brin de nostalgie.
Le 1er avril, des millions de diplômés
fraichement émoulus commencent leur vie active exactement le même jour. Comme
eux, Kumi a pris le métro et pour la première
fois mis les pieds dans l’entreprise où elle a été recrutée il y a déjà presque
….un an. Elle n’était alors qu’en 3ème
année et à un an du diplôme.
Angoissée ? Oui elle l’était évidemment à l’idée
d’ouvrir une nouvelle page de sa vie et
de plonger dans l’inconnu. Mais c’est surtout le soulagement qui l’a emporté.
« Ce travail, je me suis vraiment épuisé pour le décrocher. Il y a un an
et demi, je ne faisais que cela, chercher, chercher et chercher encore. Je
passais ma vie à rédiger des lettres de motivation, à passer des entretiens,
des examens internes…Impossible d’assister aux cours ! Et puis un jour une
entreprise a répondu favorablement à ma candidature. J’ai signé. La 4°
année de fac venait alors à peine de commencer. »
Les étudiants non encore diplômés constituent le vivier
principal dans lequel recrutent les entreprises. C’est la norme au Japon. Impossible
d’y déroger quand on veut travailler dans un grand groupe et décrocher un
contrat à durée indéterminée (CDI).
Cette quête fatidique du premier emploi, les japonais
l’appellent le shuushokukatsudou (就職活動 ), un terme qui fait frémir d’angoisse bien des étudiants. Ils
doivent dépenser beaucoup d’argent, une énergie infinie et suivre une procédure
rigide dans laquelle la concurrence est acharnée.
L’enjeu est considérable : le premier emploi est en
effet encore souvent le dernier. L’entreprise à laquelle on reste loyal toute la vie est
encore le modèle dominant. Il s’agit donc de ne pas se tromper car il est
difficile d’en changer par la suite. Quand à ceux qui ne s’engagent pas à temps
dans le shuushokukatsudou ou échouent, ils perdront leur unique chance
d’accéder aux meilleures places.
« Même si je n’ai peut être pas décroché un emploi dans
l’entreprise de mes rêves, je suis malgré tout satisfaite d’avoir trouvé
quelque chose d’intéressant, dans le secteur du tourisme que je convoitais.
J’ai l’impression d’être arrivée au bout d’un long marathon, alors, c’est la
joie qui domine » explique Kumi, l’air soulagé et détendu.
Quelles sont les étapes, les avantages, les limites et les
évolutions actuelles de la procédure de recherche du premier emploi, le shuushokukatsudou ?
Le shuushokukatsudou : Jour J – 16 mois : le marathon des candidatures
Séminaires, lettre de motivation, examens sur Internet
En décembre 2012, début du shuushokukatsudou pour les 3° années, Kumi s’inscrit sur Internet sur
des plates-formes spécialisées, qui centralisent puis diffusent des
informations à propos des entreprises qui recrutent. Elle envoie des
dizaines de fiches d’inscription aux entreprises qu’elle cible, plutôt des
grands groupes. « À cette époque,
je recevais 10 à 30 courriels par jour annonçant des séminaires d’informations.
Ces déplacements sont chronophages mais incontournables car beaucoup
d’entreprises veulent ainsi s’assurer du sérieux des candidats. Elles distillent des informations stratégiques à ce
moment là, et procèdent au recensement des candidatures», raconte calmement
Kumi, en ne négligeant aucun détail.
Les candidats retenus par lettre de motivation doivent
ensuite passer des examens sur Internet. Ils sont invités à se connecter sur le
web et doivent résoudre une série de questions en temps limité. « J’ai
passé quelques uns de ces tests mais dans certains cas, comme pour la société
ferroviaire JR lines, il a fallu que je
me déplace dans une salle à Kyoto. Cela arrive parfois quand les recruteurs veulent éviter les tricheries » confie-t-elle
avant de sortir un livre d’annales qu’elle a gardé : « Certains éditeurs collationnent les
questions qui ont été posées les années précédentes et les publient».
Comment les étudiants choisissent leurs entreprises ?
Les étudiants
doivent multiplier ces longues et fastidieuses procédures par le nombre
d’entreprises auprès desquelles ils postulent. Ils font leur choix en fonction
de leurs affinités et de leurs intérêts mais aussi en fonction des conditions
de travail et surtout du salaire. « Il existe des classements
d’entreprises réalisés par la presse pour les aider. Dans le classement Nikkei
par exemple, les entreprises annoncent le nombre d’emplois qu’elles ont à
offrir. Comme cela montre aussi leur santé économique, certaines dopent leurs
chiffres pour monter en bourse », explique Noriko, une salariée déjà
expérimentée qui connaît bien le sujet. « Les
meilleures entreprises sont dites kachigumi. Elles se trouvent la plupart
du temps à Tokyo et recrutent les diplômés des meilleures facultés. Il y a ensuite
les makegumi, qui offrent des conditions
inférieures et recrutent des étudiants issus d’université moins
prestigieuses », renchérit-elle. L’idéal est d’entrer dans un grand
groupe, seul capable d’offrir des bonnes conditions de travail, des bons
salaires une sécurité de l’emploi. Le Japon est réputé pour le poids de ses
grands conglomérats, les kereitsu, descendants des anciens zaibatsu, qui
regroupent plusieurs industries, banques et activité commerciale comme
Mitsubishi ou Mitsui par exemple. Les autres grandes entreprises, structurées
de façon plus classique autour d’une activité dominante comme Toyota ou
Panasonic sont également très attractives.
En fait au Japon, les demandeurs d’emplois postulent d’abord
pour une entreprise, pas pour un poste en particulier, sauf s’ils ont des compétences
très particulières dans le domaine scientifique notamment.
Quand ce n’est pas le cas, les jeunes qui commencent à
travailler, sont affectés à des postes qui ne correspondent pas, la plupart du
temps, à leur formation. Les évolutions professionnelles sont décidées ensuite
au sein de l’entreprise par un jeu de sélection et de formation interne. La
promotion interne est ensuite sensée fonctionner au cas par cas. C’est un des
caractéristiques du toyotisme, le modèle de management qui a fait le succès du
Japon et qui repose notamment sur la mobilité des salariés au sein de leur
entreprise.
Sécher les cours par nécessité
La
conséquence de ce système, est que les étudiants ne peuvent pas suivre beaucoup
de cours quand le shuushokukatsudou commence, soit environ un an et demi avant le
passage du diplôme de licence (qui s’obtient en 4 ans dans l’archipel). La
recherche d’emploi peut les occuper réellement à plein temps pendant plusieurs
mois. Par précaution, les plus prévoyants concentrent leurs modules de cours
sur leurs 2 premières années ou à défaut sur la 4°.
Mais
pour la majorité, les professeurs d’université le savent bien, il y aura
toujours une bonne raison pour sécher les cours, ou ne pas rendre un devoir
écrit : le shuushokukatsudou !
Cette
tendance est déterminée par les pratiques des entreprises qui ne se préoccupent
absolument pas de l’emploi du temps des étudiants. Elles organisent leur
procédure de recrutement, leur séminaire, presque toujours pendant les jours
ouvrables, alors que les étudiants sont sensés être en cours.
Jour J -12 mois : les résultats
Les résultats
Les réponses tombent généralement entre avril et mai, alors que
les étudiants sont au début de la 4° année. Dans le cas où il y a plusieurs
réponses positives, ils doivent se décider vite. C’est souvent le dilemme car il
faut signer un contrat de travail dans la foulée et donc renoncer à d’autres
propositions d’emplois qui pourraient arriver ultérieurement. « Pour moi,
les réponses sont venues presque simultanément. J’ai eu trois offres mais je
n’ai pas eu de mal à me décider car l’une d’entre elles étaient bien plus
attractives que les 2 autres. Mais je connais des gens qui ont dit non dans
l’attente d’une réponse favorable d’une autre entreprise, réponse qui n’est jamais
arrivée. Certains ont tout perdu », déplore Kumi avant d’ajouter :
« Je les plains car maintenant, il faudra attendre un an au minimum avant de
chercher un nouvel emploi, car il n’est pas possible de le faire en dehors de
la saison officielle. De plus, une fois en 4° année, il sera devenu beaucoup,
beaucoup plus difficile de trouver. »
Les « redoublants » du Shuushokukatsudou
Tant pis pour ceux qui ne trouvent pas d’emploi pendant leur
3° année. Ils attendront le début de la saison de recrutement suivante, au mois
de décembre pour recommencer leur quête. Ils seront alors au milieu de leur 4°
année et seront mis en concurrence avec leurs camarades de 3ème
année, largement préférés des entreprises. « Les entreprises n’aiment pas recruter
les candidats qui ont échoué une fois », confie un professeur
d’université.
Ne pas décrocher un emploi pendant sa troisième année peut
donc coûter cher. « Le candidat récidiviste porte la macule de l’échec
qui est difficile à faire admettre aux employeurs » précise Kumi. Il existe en effet au Japon une
sainte horreur des CV qui ne sont pas en conformité avec la situation sociale
attendue pour chaque classe d’âge : « Pourquoi n’avez-vous pas cherché
d’emploi quand vous étiez en 3° année ? » demandent les
recruteurs. L’espoir n’est pas totalement perdu toutefois, à condition d’accepter des postes
dans les entreprises les moins attractives, celles pour lesquelles les
étudiants de 3° année n’ont pas voulu postuler.
La double peine : le Kyuugaku
Pour les récidivistes du shuushokukatsudou,
la pénalité ne s’arrête toutefois pas là. Ils devront redoubler leur 4ème
année, faire un kyuugaku. En effet,
le shuushokukatsudou a son calendrier
intransigeant qui commence en décembre. Les étudiants de 4ème année
entament alors la seconde moitié de leur année scolaire. En février ils sont
diplômés. Or à ce moment là, les entreprises sont encore en train d’évaluer les
candidatures. Elles ne donnent les résultats qu’au printemps, en mai ou juin le
plus souvent. Les contrats sont signés un an avant le début effectif de la
carrière des jeunes recrus…qui doivent attendre le mois d’avril de l’année
suivante pour commencer. Pour les étudiants qui ont fait le shuushokukatsudou en 4ème
année, cela implique de passer un an à attendre sans avoir rien de spécial à
faire. C’est ainsi que sous la pression des entreprises, ils sont obligés de se
réinscrire en 4ème année. Les entreprises préfèrent en effet les
savoir à l’université, même à ne rien faire, que de les voir sortir du système
et rester oisif pendant un an. Les
étudiants deviennent ainsi des « étudiants fictifs » puisqu’ils ont
déjà leur diplôme. Pour les universités, c’est une aubaine car les étudiants
doivent repayer leurs droits d’inscription, souvent exorbitants.
Une stratégie de rechange : faire un master ou étudier à l’étranger
Parmi ceux qui ont échoué au shuushokukatsudou ou qui n’ont pas souhaité s’y engager, certains
se lancent dans un master ou décident d’étudier un an à l’étranger. Une
perspective que n’évacue pas complètement Ayaka, une étudiante de 3ème
année qui commencera sa recherche d’emploi cette année : « Si mes projets professionnels font flop, je
pourrai toujours demander un visa vacances travail, au Canada, à Vancouver par
exemple. Cela me permettrait de perfectionner mon anglais tout en travaillant.
Vivre en immersion dans un pays anglo-saxon, c’est un autre de mes
rêves. »
Un tel projet pourrait sembler courageux, mais au Japon, les
entreprises voient d’un très mauvais œil les étudiants, inscrits en sciences
humaines, s’attarder à l’université. « Elles ne s’intéressent pas aux
diplômes de master et encore moins de doctorat, des grades réservées aux
étudiants qui visent la carrière universitaire ou souhaitent à la limite passer
les concours de la fonction publique. Faire des trop longues études est un
symptôme de l’échec dans la course à la recherche d’emploi » précise un
professeur d’université du Kansai.
Quand aux étudiants qui décident de faire un break d’un an
entre la fin de leurs études et leur premier emploi pour par exemple se lancer
dans un projet personnel ou humanitaire pendant un an, ils passent souvent pour
des excentriques et perdent toute chance de travailler dans les grandes
entreprises du pays : « Quel intérêt de recruter quelqu’un qui avait
autre chose en tête au moment où il fallait trouver un emploi ? Cela en
dit long sur le sérieux et l’envie de travailler dans
l’entreprise ! » affirme, M. Sato, le responsable du recrutement
d’une grande banque japonaise du Kansai quand on l’interroge sur le sujet avant
d’ajouter : « Pour nous, une expérience à l’étranger n’a aucun
intérêt ».
Les déçus du Shuushokukatsudou
Les reconversions professionnelles
Il a été longtemps difficile pour les salariés en CDI de
changer d’entreprise. On rentrait dans l’entreprise comme en religion.
L’entreprise protégeait les salariés en leur offrant sécurité et salaires
attrayants. En échange les salariés lui vouaient une loyauté et une fidélité
sans faille. Aujourd’hui il y a de plus en plus de salariés qui cherchent à
changer de travail. Après le shuushokukatsudou
certains sont en effet déçus et gagnés par la désillusion quand ils se
retrouvent confrontés à la réalité de la vie professionnelle ou qu’ils se
rendent compte que leur métier ou leur entreprise ne leur convient pas. C’est
le cas de Kyoko qui a été recruté il y a déjà 3 ans par une grande entreprise
d’Osaka. Elle est devenue Office lady et passe le plus clair de ses journées
dans son bureau mais de temps à autre elle doit se déplacer pour rencontrer des
clients dans le Kansai. Elle est aussi de temps en temps envoyée en voyage
d’affaire à l’étranger en Australie ou en Corée par exemple. Kyoko n’est
pourtant pas satisfaire de sa position. « Au début, quand j’ai commencé à
travailler, j’étais extrêmement motivée. J’avais envie de prendre des
initiatives, de me donner à fond dans mon travail. Je pensais pouvoir
m’épanouir et pourtant les désillusions sont vite arriver. Je me suis vite lassé
des tâches répétitives qui m’étaient assignées. Et puis la personne qui était
responsable de mon intégration dans l’entreprise était ce qu’on appelle au
Japon une Otsubone, une personne tyrannique.
J’ai vécu un enfer pendant plusieurs mois jusqu’à ce que je change de service.
Maintenant cela va mieux mais je ne veux pas m’éterniser dans mon entreprise
pour autant. Le salaire est trop bas, on nous impose des heures supplémentaires
pas toujours payées et je peux à peine prendre les jours de congés auxquels
j’ai droit. En plus je considère certains de mes supérieurs comme réellement
incompétents. Cela m’exaspère car pour moi, le travail est une priorité. J’ai
envie de m’épanouir dans une équipe dynamique et imaginative. Depuis quelques
semaines, j’ai commencé une nouvelle recherche d’emploi. Dès que je trouverai
une meilleure place, je quitterai mon entreprise, sans aucun remord. Sinon,
j’envisage de reprendre des études à l’étranger pendant un an, afin de faire
une pause. »
Kyoko fait partie de cette deuxième vague de personnes en
recherche d’emploi, celle qui correspond aux adultes qui ont déjà eu une
expérience professionnelle plus ou moins longue en CDI mais ont décidé de
remettre en cause leur stabilité professionnelle pour trouver un travail plus
épanouissant. Pour eux, le reclassement sera possible, mais selon leur
qualification, parfois difficile.
« Les candidats ayant déjà une expérience
professionnelle peuvent avoir des profils intéressants. Nous en recrutons
quelques uns mais finalement assez peu car nous préférons les étudiants de 3ème
année, plus malléables, que nous pouvons former comme nous l’entendons. »
explique M. Sato.
Les freeters
Contrairement aux salariés classiques qui auront des CDI (le
plus répandu) ou à la rigueur un CDD (contrat à durée déterminée), les étudiants qui échouent au shuushokukatsudou ou ne le font pas
rejoignent le bataillon des freeters
, un anglicisme désignant les salariés qui font des baïtos, c'est-à-dire des boulots à temps partiel, souvent mal payés,
parfois 650Y soit 5 euros de l’heure, dont
les contrats sont très favorables aux employeurs. Ces derniers sont résiliable à tout moment et, comme le salarié
est recruté à temps partiel, la loi permet
à l’entreprise de ne pas s’acquitter de la part patronale des
cotisations sociales. Pour vivre, les freeters
cumulent donc en général plusieurs baïtos, parfois de façon effrénée car il n’y
a pas de législation rigide qui régisse le temps de travail. Chacun acquitte
son assurance maladie, le plus souvent dans sa version basique, la moins chère,
qui ne prévoit pas la possibilité d’arrêt et de congés maladie indemnisés.
Quant à ceux qui veulent cotiser aux
caisses de retraites, ils peuvent le faire mais au prix d’un sacrifice financier
difficile à assumer pour des salaires modestes.
Jusque dans les années 90, les contrats de baïto étaient plutôt destinés aux femmes au foyer qui voulaient travailler à
temps partiel pour pouvoir compléter le salaire de leur mari et avoir une vie
sociale personnelle. Cependant, avec la fin de la bulle économique et
financière, ces contrats ont commencé à s’étendre à d’autres couches de la
société. De plus en plus de femmes actives, qui ne sont pas entretenues par un
mari, mais aussi d’hommes ont été contraints de les accepter. Cette évolution
est allé de pair avec la fin de la généralisation du modèle de l’emploi à vie
et l’apparition du travail précaire.
Si les
baïtos sont en général très convoités par les étudiants pendant leurs études,
ils le sont beaucoup moins par les diplômés. Même si certains requièrent des
qualifications particulières, la plupart sont des emplois de service peu
qualifiés qu’il faut accepter, même après 4 ans d’étude. Le seul avantage de ce système est de rester
un peu plus libre dans la gestion de son temps, de pouvoir facilement changer
d’entreprise ou même déménager, prendre un peu plus de vacances que la semaine
annuelle légale.
Devenir freeter est une forme de déclassement pour les
diplômés car ils gardent finalement le même statut que les étudiants qui font
des petits boulots ou que les jeunes sans diplôme qui travaillent depuis leur
sortie du secondaire. Enfin, le statut de freeter est fortement déconsidéré
dans la société japonaise. « Je n’ai rien à apprendre d’eux, ils vivent au jour le jour…Je ne choisirai pas
un freeter comme mari » déclare Maï, une japonaise de 24 ans, récemment
entrée dans une grande entreprise du pays.
Quand
on commence sa vie active comme freeter, il est difficile de changer de
statut par la suite et presque impossible d’intégrer le système de la grande
entreprise, même pour des postes peu qualifiés.
Les
femmes sont plus exposés que les hommes. Au Japon plus de la moitié des
femmes actives occupent un emploi à temps partiel ou un emploi temporaire.
Comparativement, les actifs masculins sont moins de 20%. La différence révèle les discriminations à
l’embauche toujours vigoureuses au Japon.
Le point de vue de l’entreprise
Un système qui répond aux intérêts des entreprises.
« pour les
entreprises, il est important de mettre les candidats en concurrence et de les
recruter le plus longtemps possible à l’avance, avant le diplôme, afin
d’améliorer la qualité du recrutement », explique M. Sato.
Cette précocité du recrutement, alors même que les étudiants
ne sont pas encore diplômés, est imposée par les entreprises. C’est un cercle
vicieux qu’il est difficile d’enrayer car si une entreprise commence, dans une
sorte de fuite en avant, les autres doivent obligatoirement suivre car sinon les
meilleurs étudiants auront déjà été recrutés par des concurrents.
Le manque de reconnaissance des diplômes universitaires par les entreprises
Le recrutement
précoce montre également que les
entreprises se soucient peu de la formation universitaires des étudiants et
préfèrent s’en charger elles-mêmes. Cela en dit long sur la valeur attribuée
aux diplômes , notamment dans les filières non scientifiques.
Il y’a déjà plus d’une vingtaine d’années, un président du Keidanren, un syndicat patronal
japonais, déclarait, « Je ne veux
pas que les étudiants fassent sérieusement leurs études à l'université. Qu'ils
n'apprennent rien, et qu'ils obtiennent seulement le diplôme. Et après, c'est
nous qui nous occupons de leur éducation ».
La période de formation interne que connait chaque jeune
salarié est appelé OJT : on the job training. C’est à ce moment là que les
entreprises découvrent les qualités de leurs recrues et décident de leur affectation
sur un poste précis.
Pour M. Sato, cette situation est liée au faible nombre de
formations de formations spécialisées dans les universités.
« Il n’y a pas de formation aux métiers de la banque
par exemple. Les étudiants font des études généralistes. Ils se forment ensuite
dans l’entreprise. Chez nous, il y a 2 semaines de stage. Puis ensuite, ils apprennent
sur le tas, avec le senpai, le
salarié plus âgé et plus expérimenté, qui transmet son savoir. »
Ainsi,
en dehors des secteurs scientifiques très pointus, la spécialisation
universitaire importe peu aux recruteurs. Par conséquent, il existe un décalage
très important entre la nature des diplômes et les emplois décrochés par les
étudiants.
Les
entreprises s’intéressent davantage au nom de l’université du candidat, qui
leur apparait comme une « garantie » de la qualité des candidats car
certaines sont très dures d’accès et ne recrutent que les meilleurs élèves.
Toutefois, elles basent aussi leurs critères d’embauche sur les résultats des
candidats à leurs examens internes et sur les différents entretiens d’embauche,
souvent 2 ou 3 qui jalonnent le processus du recrutement. « Le nom
de l’université n’est pas le seul critère, mais cela compte énormément. L’entretien
reste toutefois décisif » déclare franchement M. Sato.
Le problème de la motivation et du niveau des étudiants dans les universités
Si les diplômes universitaires ne sont pas réellement pris
en compte par les entreprises, c’est aussi parce que ils ne garantissent pas
toujours une formation sérieuse. Les
professeurs d’université eux même sont conscient du problème. Certains déplorent
le niveau insuffisant de leurs étudiants. L’un d’entre eux, qui travaille dans
une des meilleures universités du Kansai confie : « La fac
est un espace de liberté entre le lycée, épuisant, et l’entrée dans l’entreprise, véritable caserne ». En effet, après avoir bûché
d’arrache-pied les examens d’entrée dans les universités, dont la difficulté
est croissante selon la réputation des établissements, la plupart des étudiants
ne consacrent pas assez de temps à leurs études. Ils privilégient les sorties
et les activités socioculturelles. Tous ou presque appartiennent à des
« cercles » sportifs, artistiques, artisanaux qui sont très
chronophages. La plupart des étudiants font aussi des petits boulots (baïtos)
qui absorbent une grande partie de leur temps. Enfin, il y a le shuushokukatsudou qui empêche de
s’investir réellement à l’université. »
Les limites du système pour les entreprises
Pour les entreprises, il existe aussi cependant des inconvénient
à recruter précocement leurs salariés.
D’abord, elles doivent être capable de faire des prévisions
de leurs besoins un an à l’avance, en fonction de nombreux critères. Monsieur Sato
explique : « il faut envisager le nombre de départs à la retraite qui
devront être remplacés, mais aussi l’évolution probable de l’activité de
l’entreprise, ses perspectives de développement dans le contexte de la
conjoncture économique du pays… »
Ce n’est pas le moindre des paradoxes que les entreprises du
pays où les économistes ont inventé la production à flux tendu et les
livraisons « juste à temps », pratiquent une forme de stockage de
leurs salariés. Une part d’inconnu reste : aura-t-on vraiment besoin de
tout le monde ?
Les entreprises pourront toutefois au moment où les jeunes
entreront en fonction, les affecter selon les nécessités du moment, même si ce
n’est pas sur le poste envisagé au départ.
Dans la période d’un an qui sépare la signature du contrat
d’embauche et le commencement du travail, il peut y avoir aussi quelques
surprises. D’abord, l’entreprise peut rompre le contrat si l’étudiant n’a pas
son diplôme. Certains étudiants peuvent également faire défection s’ils se
rendent compte que l’entreprise ne les intéresse pas en fait vraiment.
« Cela arrive régulièrement. C’est le cas surtout les années où le
recrutement est faible. Les candidats qui ont accepté une place dans une
entreprise qu’ils ne convoitaient pas vraiment peuvent être tentés de renoncer pour recommencer un shuushokukatsudou en 4ème
année. En revanche, les années où il y a pléthore d’emplois, chacun peut à priori
trouver chaussure à son pied, donc, il y a moins de défections » explique
M. Sato.
Le système a toutefois ses paradoxes : en dehors des périodes déterminées, le recrutement peut être bloqué même quand il est nécessaire. M. Takeda, cadre dans une grande entreprise nippone basée à Tokyo déclare : « un de mes collègues a démissionné, chose rare ici, pour retourner à la fac aux Etats Unis. Cela fait plusieurs mois que j’ai dû prendre en charge son travail en plus du mien. Mes semaines sont infernales. L’entreprise doit recruter pour pourvoir à ce poste vacant mais les choses trainent car la saison du recrutement n’est pas encore terminée ».
Acceptation et critiques du système
Dénués d’esprit frondeur et revendicatif, la plupart des étudiants
se plient volontiers à ce qu’on attend d’eux. Pour Ayaka, étudiante, le shuushokukatsudou est « une épreuve nécessaire que les
entreprises infligent parce qu’elles n’ont pas le choix » . Cette
capacité à réfléchir avec le point de vue du groupe et à ne pas le remettre en
cause, c’est aussi une des clés de la mentalité japonaise.
Le shuushokukatsudou, un gimu qui doit être assumé
Depuis toute petite, Ayaka entend parler du travail comme
d’un devoir essentiel. Elle a intégré la leçon : « Je veux me dévouer
à la société en travaillant et en donnant de mon mieux dans une entreprise»
lance-t-elle comme une antienne. Dans cet objectif, elle s’est lancée à corps
perdu dans le shuushokukatsudou pour
lequel elle se consacre corps et âme.
Travailler,et au départ chercher un travail, fait partie de ce que les japonais appellent globalement le gimu, un concept qui désigne l’ensemble des devoirs fondamentaux dus à la société par chaque individu.
Travailler,et au départ chercher un travail, fait partie de ce que les japonais appellent globalement le gimu, un concept qui désigne l’ensemble des devoirs fondamentaux dus à la société par chaque individu.
Au Japon, le courage n’est pas de braver l’interdit et de
lutter contre le conformisme pour se réaliser pleinement en tant qu’individu
comme l’admet la civilisation occidentale. C’est l’inverse : le courage se
manifeste dans la capacité de l’individu à respecter les règles et à tenir sa place dans la société. Ces
conceptions sont profondément inscrites dans la civilisation japonaise, dixit
des anthropologues classiques comme Ruth Benedict. L’individu considère que son
honneur passe par le respect des règles, souvent tacites qui régissent le
groupe. L’éducation et la pression sociale se conjuguent pour instiller un
sentiment de honte dans la conscience de
ceux qui dérogeraient aux
obligations du gimu. Ils risquent
aussi l’opprobre, la mise à l’écart par les autres.
La société reste donc encore aujourd’hui, de type
holistique. L’individu n’est pas l’unité vers laquelle tout converge : il
est englobé dans un ensemble qui le dépasse, auquel il doit nécessairement se
conformer. Il n’en reste pas moins que les individus peuvent aussi faire montre
d’un grand individualisme, mais celui-ci a peu d’espace pour se déployer.
Les étudiants qui critiquent le shuushokukatsudou
Certains étudiants ne mâchent toutefois pas leurs mots. Kumi
porte un regard très critique sur le système : « Ce qui est
incroyable au Japon c’est que les étudiants sont évalués par les entreprises sur
de nombreux critères mais pas du tout en fonction de leur performance à
l’examen final de l’université. Comme on regarde aussi leur dossier scolaire, cela
veut dire que les étudiants sont poursuivis par leur passé et que même s’ils se
démènent pour faire de leur mieux à la fac, cela n’a aucun importance pour les
entreprises. A quoi ça sert d’étudier,
de progresser, et de s’épanouir dans les études universitaires alors ?
Cela ne devrait pas le plus important ? »
Les étudiants étrangers, comme Adam, un malaisien étudiant à
Tokyo, sont aussi souvent très étonnés quand ils découvrent la réalité du
système.
« La recherche d’emploi au Japon débute incroyablement
tôt…trop tôt ! Les étudiants ici commencent à chercher un an et demi avant
d’être diplômé !! Juste après avoir terminé le premier semestre de la 2°
année, vous devez commencer à vous inquiétez de votre recherche d’emploi. Quel
supplice ! Cette pratique mettent les étudiants sous pression et les
empêchent d’avoir une vie normale et d’étudier sereinement à
l’université. »
Si les Japonais n’ont pas l’habitude d’exprimer publiquement
leur états d’âmes, certains étudiants, issus d’université parfois très
prestigieuses, montrent de temps à autre leur mauvaise humeur face à ce système.
Récemment des manifestations ont eu lieu à Tokyo pour revendiquer la fin de la
tyrannie du shuushokukatsudou.
Le coût du shuushokukatsudou
En
outre, la recherche d’emploi coûte une fortune car les étudiants doivent
souvent se déplacer, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux. Entre
le coût exorbitant de l’université, autour de 10000 euros par an pour les moins
onéreuses, et les sommes à acquitter pour
payer les transports afin de participer aux séminaires et aux entretiens, les
étudiants doivent souvent s’endetter. « Pendant mes 4 années de Fac, j’ai
beaucoup emprunté auprès des banques. J’ai un crédit à rembourser sur plusieurs
années », déplore Kumi, avec un brin d’amertume.
De plus, certaines entreprises convoitées, afin d’éviter
d’être débordées les candidatures, qui se sont multipliées avec l’arrivée
d’Internet, n’hésitent pas à demander des droits d’inscription aux étudiants
qui voudraient postuler à un emploi. Ainsi, la firme Dwango, propriétaire du
site de partage de vidéos en ligne Nikoniko impose à chaque candidat la somme
de 2525 Y, soit une vingtaine d’euros.
C’est une façon de tester la motivation des candidats mais c’est aussi une forme de ségrégation
sociale par l’argent. Qui pourrait en effet acquitter ces droits qui s’ils se
généralisaient, se révèleraient dissuasifs pour certains étudiants ? Une
loi existe pourtant au Japon qui défend aux entreprises de se rémunérer sur le
recrutement mais elle ne semble pas être appliquée dans tous les cas pour le
moment.
Le désespoir d’une partie de la jeunesse
La marginalisation
Au final, le système du shuushokukatsudou
soumet la jeunesse à une forte pression car il n’autorise pas l’échec. Il peut
contribuer, bien qu’ils ne soient pas la raison unique, à pousser certaines personnes vers la
marginalité. Certains jeunes adultes, qui échouent dans leur recherche d’emploi,
ou qui y renoncent avant même de la commencer, paralysés par l’angoisse,
adoptent des comportements d’auto exclusion sociale, de repli sur soi, de perte
d’estime personnel et sombrent dans la dépression. Certains se terrent dans
leur chambre pendant plusieurs mois ou plusieurs années et sortent le moins
possible de leur tanière. Ce sont les Hikikomori. D’autres ne travaillent plus,
n’ont plus du tout de vie sociale et retournent chez leurs parents. Ce sont les
NEET. Un phénomène social très préoccupant contre lequel il est bien difficile
de trouver des remèdes malgré l’engagement social de certaines associations caritatives
qui tentent de venir en aide aux personnes les plus en difficulté.
Désespoir et suicide
Selon une étude de l’organisation Lifelink, un étudiant sur
cinq envisagerait à un moment donné le suicide durant la période de recherche
d’emploi. Selon les statistiques de la police, 149 cas de suicide ont été
directement causés par le processus de recherche d’emploi en 2012. Cependant,
selon le Japan Time, le chiffre serait en réalité bien plus élevé.
La période du shuushokukatsudou
est trop souvent vécu comme une période de souffrance, d’angoisse et
d’isolement. Les étudiants se sentent floués quand ils se rendent compte
concrètement que les meilleurs places sont monopolisés par les étudiants des
universités les plus cotées, même dans les entreprises qui prétendent ne pas
demander le nom de leur université aux candidats et affirment se baser sur les
compétences réelles des candidats. Par conséquent, 87% des étudiants pensent,
toujours selon Lifelink, que l’honnêteté et le labeur ne sont pas rémunérés à
leur juste place et manquent de confiance dans les grandes compagnies, dans
lesquels ils aspirent cependant en grande majorité à travailler.
Reformes du système
Etudier ou chercher un emploi , Débat et législation
Pour tenter de remédier à ce problème, le gouvernement
cherche à assouplir le système mais il doit composer avec des intérêts qui
s’opposent : ceux des entreprises, des étudiants, des universités et
l’intérêt du pays et de la société.
Jusqu’en
2011, les étudiants de 3° année devaient
commencer le shuushokukatsudou en juillet c'est-à-dire au début de leur 3ème
année. Toute l’année universitaire était alors consacrée au shuushokukatsudou et les étudiants
n’étudiaient quasiment pas.
Au printemps 2013, une nouvelle équipe au ministère de
l’éducation a obtenu un accord avec le monde de l’entreprise afin de retarder le début de la recherche d’emploi. Ainsi, en
2013, les étudiants de 3° année ont pu commencer en décembre, c'est-à-dire vers la fin de leur 3ème
année. Ils y ont gagné un peu de suris. Toujours selon cet accord, il y aura
une deuxième étape vers encore plus de répit. Cette année (2014), les étudiants de 3° année ne
devraient pas avoir besoin de se lancer dans la course en décembre. Ils le
feront seulement quand ils seront au début de la 4ème année, soit en
avril prochain. Une petite révolution. Finalement, on reviendra alors à la situation
qui prévalait jusqu’en 1997 quand les offres d’emplois étaient et destinés aux étudiants au début de leur 4°
année.
Toutefois, selon le Japan Time, cette situation reste loin
d’être idéal « Le gouvernement a finalement compris les dommages infligés
à l’enseignement supérieur par un tel processus de recrutement. Cependant,
retarder jusqu’au début de la 4° année, en avril, est seulement
une demie mesure. Cela donnera certes aux étudiants et aux professeurs un an de
plus pour travailler et étudier, mais cela augmentera aussi la pression sur les
étudiants de 4° année, qui ne pourront pas du tout étudier.
Si le gouvernement avait voulu vraiment faire une réforme sérieuse, il aurait définitivement reporté le début de la recherche d’emploi après l’obtention du diplôme. Cela aurait permis aux étudiants de terminer leurs études normalement, de mener à terme leurs recherches pour leur mémoire de 4° année, et peut être de leur laisser plus de temps pour choisir la nature et le lieu de leur emploi. »
Si le gouvernement avait voulu vraiment faire une réforme sérieuse, il aurait définitivement reporté le début de la recherche d’emploi après l’obtention du diplôme. Cela aurait permis aux étudiants de terminer leurs études normalement, de mener à terme leurs recherches pour leur mémoire de 4° année, et peut être de leur laisser plus de temps pour choisir la nature et le lieu de leur emploi. »
Le journal déplore enfin le consensus qui règnent sur cette
situation au détriment des étudiants et regrette que certaines universités
semblent se complaire dans ce système, qui leur permet d’afficher des taux de
recrutement très élevés parmi leurs étudiants. Toujours cela le Japan Time,
elles devraient au contraire, comme le gouvernement, exiger que les étudiants
puissent mener leurs études à termes et achever normalement leur éducation,
dans leur propre intérêt mais aussi celui de la société tout entière.
Essai de comparaison avec les pratiques françaises.
Le diplôme est reconnu et fondamental. D’ailleurs on parle
de « Jeunes diplômés » quand on fait référence aux jeunes qui
cherchent un emploi. L’expression implique que pour prétendre entrer dans le
marché du travail, il faut d’abord avoir son diplôme en poche.
Le problème en France est peut être l’inverse de celui du Japon.
Les entreprises cherchent la plupart du temps des personnes ayant déjà une
expérience professionnelle dans le métier demandé. Les entreprises ne veulent pas toujours consacrer du temps et
de l’énergie à la formation initiale de leurs salariés. Elles veulent recruter
des personnes déjà compétentes, qui seront immédiatement productives.
De leur côté, les salariés cherchent à exercer un métier,
celui pour lequel ils ont été formés, plus que d’entrer absolument dans une
entreprise en particulier.
Conclusion
La société japonaise est une
société de plein emploi, avec un chômage de type structurel tournant autour des
5%. En 2012, 94% des jeunes diplômés ont pu entrer dans la vie active presque
immédiatement après avoir quitté l’université. Une réussite apparente qu’il
faut nuancer par quelques bémols. Il faudrait en effet estimer dans quelles conditions ces masses de jeunes
entrent dans les entreprises, car les contrats précaires sont de plus en plus
nombreux. Reste aussi à évaluer dans quelle mesure la procédure actuelle du shuushokukatsudou contribue à cette
réussite. Ne doit-on pas plutôt l’imputer à la souplesse du droit du travail au
Japon, qui est en faveur des entreprises, ou à l’absence de salaire
minimum ?
Le
shuushokukatsudou ressemble au Japon, peut être plus
qu’ailleurs, à un rite de passage ou rite d’institution comme disait Bourdieu.
À l’issu d’une série d’épreuves qu’ils traversent à force de persévérance , les
jeunes diplômés intègrent la société des actifs adultes. Au Japon, la position
professionnelle est l’aboutissement de l’individu. Elle détermine en grande
partie son identité et atteste son existence au sein du groupe dont le pouvoir
englobant est très fort. Dans ces conditions, shuushokukatsudou ressemble à une véritable quête, finalement plus
angoissante que la réussite des exams à la fac. « Je ne connais personne à
l’université qui ait échoué aux examens de licence. En revanche, « avoir
un bon job, ça c’est une véritable préoccupation ». Au total, pour les jeunes
diplômés, le problème n’est donc pas
véritablement de trouver un emploi, mais plutôt d’en trouver un correspondant à
leurs attentes , avec un salaire correct et une bonne stabilité.
Le
printemps pointe le bout de son nez à Kyoto. Cette après midi, Kumi a mis ses high knee, ses chaussettes hautes, et
protège son teint d’ivoire très clair avec une ombrelle, pour aller voir, comme
des millions d’autres personnes, les premières fleurs roses des sakuras, les cerisiers japonais qui
explosent de vie. La rentrée des jeunes salariés du 1er avril ne les
empêche pas d’apprécier avec ferveur la nature qui change et la beauté
intrinsèque de chaque saison qui commence. Un art de la contemplation qui exige
de savoir parfois prendre son temps.
Sources
Cet article a été principalement rédigé à partir de sources
directes, c'est-à-dire de témoignages de personnes impliquées dans le shuushokukatsudou.
Témoignages
Collectes de nombreux témoignages et interviews d’étudiants,
de professeurs d’université, de salariés d’entreprises, d’un directeur des
ressources humaines, responsable du recrutement dans une grande société.
Sitographie
Articles et forum sur Internet consacrés au shuushokukatsudou.
Bibliographie
Jolivet, M, Japon, la crise des modèles
Presse
Articles du Japan Time
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